Euro 2016, entre soft power et sécurité (1/2)
Mercredi 25 mai 2016, l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS) organisait une conférence intitulée : « Euro 2016 : les défis pour l’image et la sécurité ». La France a le privilège d’accueillir l’Euro de football, le 3ème événement le plus médiatisé au monde, après les Jeux Olympiques et la Coupe du Monde de football. La compétition se déroulera du 10 juin au 10 juillet 2016. Dans le contexte post-attentats que nous connaissons, ce sera l’occasion pour la France de bonifier son image à l’international tout en répondant au défi sécuritaire qui l’attend.
Le sport n’est pas traditionnellement reconnu comme un élément de la diplomatie française ; les relations internationales étant considérées comme une chose sérieuse confiée à des spécialistes tandis que le sport, et encore plus le football, appartiendraient exclusivement au registre du divertissement populaire. Pourtant, l’Euro 2016 constitue une formidable opportunité pour la France de développer son soft power. Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères et du Développement international, l’avait bien compris et c’est pour cela qu’il créa le poste d’ambassadeur du sport en 2014. Son rôle est de bâtir la stratégie d’influence de la France dans le domaine du sport.
Pour l’Euro 2016, tous les acteurs sont mobilisés notamment les ministères (Sports, Culture, Économie et Finances, MAEDI) mais aussi des opérateurs comme Business France, Atout France et la Direction générale des entreprises. Le Plan interministériel d’action pour le football a été conçu afin de fixer les 4 grands objectifs de l’organisation de l’Euro 2016 : assurer une haute qualité d’organisation, faire de l’Euro un événement populaire (par et pour tous), mettre l’Euro au service de la croissance, de l’emploi et de l’attractivité de la France et enfin diffuser les valeurs du sport.
Surtout, le ministère des Affaires étrangères et du Développement international met tout en œuvre pour placer l’Euro 2016 au cœur de sa stratégie de marketing pays et de nation branding. La marque « France » y est largement relayée. 1 million de touristes étrangers sont attendus lors de l’Euro 2016 et environ 7,5 millions de supporters dont 2,5 millions dans les stades (les autres assistant aux matchs dans des « fans zones » avec écrans géants ou dans des bars et autres lieux festifs). Le but des autorités françaises est de maximiser les retombées économiques en faisant circuler les touristes dans les 10 villes organisatrices (Bordeaux, Lens, Lille, Lyon, Marseille, Nice, Paris, Saint-Denis, Saint-Etienne, Toulouse). Ainsi, c’est un véritable pèlerinage français qui est planifié par le comité d’organisation de l’Euro 2016 en partenariat avec Atout France, l’agence de développement touristique de la France. Le Centre de Droit et d’Économie du Sport (CDES) prévoit selon son étude environ 1,2 milliards d’euros de retombées économiques.
Le réseau diplomatique français mobilisé pour l’Euro 2016
Dans le cadre de la campagne « Welcome in France », des expositions, des matchs amicaux avec des lycées français à l’étranger et des retransmissions de matchs dans les ambassades avec invitation de personnalités locales sont prévus partout dans le monde. Cette campagne se mêle à d’autres à l’image de l’opération gastronomique internationale « Goût de France / Good France » qui traitait également de l’Euro 2016 : gastronomie et sport y étaient associés comme deux éléments fondamentaux du soft power français. Avec « Welcome in France », il s’agit aussi de rassurer sur les conditions de sécurité en France et notamment les contrôles aux frontières, à la suite des attentats de Paris en 2015.
L’Euro 2016 sera également l’occasion de mettre en œuvre une opération séduction de grande ampleur sur le plan de la diplomatie. De nombreuses personnalités étrangères (chefs d’État, entrepreneurs) sont invitées et attendues. Liu Yandong, vice-premier ministre de la Chine en charge de l’éducation, de la santé, du sport et de la culture, se rendra en France pour l’Euro car la Chine possède un grand plan national de développement du football et souhaite s’inspirer du savoir-faire français en la matière. En outre, le match Allemagne/Pologne sera l’occasion d’un moment fort de diplomatie selon le format dit du « Triangle de Weimar », un forum trilatéral de dialogue et d’échanges entre l’Allemagne, la France et la Pologne. Quant au match d’ouverture France/Roumanie, il permettra à la France de recevoir le Premier ministre roumain afin de renforcer le partenariat stratégique franco-roumain signé en 2008 et renouvelé en 2013.
Enfin, l’Euro 2016 constitue une véritable vitrine de la filière française du sport et favorise l’exportation du savoir-faire français (construction des stades, savoir-faire organisationnel). Sans oublier que l’Euro 2016 ressemble fort à un galop d’essai en vue de la candidature de Paris pour les Jeux Olympiques de 2024.